quarta-feira, 5 de dezembro de 2012

Le choix du roi des rois

 
Ce jour-là comme chaque jour
sur la route qui entourait le village
Martin, l’âne,
trottinait.
Il ne pensait à rien de bien particulier
quand il aperçut, sur le mur,
une affiche
couverte de signes difficiles à déchiffrer.
Et il s’en approcha pour essayer
de comprendre ce qu’elle disait.
« Drôle d’annonce !
C’est sûrement de l’arabe
ou de l’hébreu ou alors…
...mais oui
elle doit être à l’envers :
"ON RECHERCHE
Bêtes de somme
(Éléphants, Chameaux,
Chevaux, Dromadaires
Lamas, Bœufs)
pour transporter..."
Tiens !... Et les Ânes !...
Non, pas de place pour eux.
Jamais rien pour eux !
Nous avons beau avoir
de longues oreilles,
chacun nous laisse entendre
qu’elles ne valent pas
celles des Éléphants !
Et nous n’avons ni leur trompe
ni leurs défenses ni leur force.
Ah ! si nous pouvions
leur ressembler !...
Bien sûr, nous sommes entêtés,
et nous savons – on nous le reproche souvent –
où nous voulons aller,
mais nous n’avons pas – hélas –
l’ardeur des Bœufs
ni leurs superbes cornes.
Ah ! si nous pouvions accomplir
la moitié de ce qu’ils peuvent faire !...
Donc, pas d’Ânes,
jamais d’Ânespour transporter
les Personnes Importantes.
On leur laissele menu fretin,
les petits, les pas lourds,
les manants.
Eh ! bien, merci,
merci beaucoup. »
Alors, tandis que
Chameaux et Dromadaires,
Éléphants et Chevaux,
Lamas et Bœufs
se regroupaient devant l’affiche,
pour offrir leurs services,
Martin, l’Âne,
s’en fut amèrement
brouter l’herbe des champs.
Les Éléphants rutilants
furent expédiés aux Indes
pour transporter le Maharadjah.
Et, suivi de gardes empressés,
vers l’Égypte,
le Chameau superbe
emmena le Pharaon
et son épouse préférée.
Le Cheval
avec César,
précédé de ses soldats
aux pieds agiles,
marcha sur Rome.
Quant aux Lamas,
aux Dromadaires
et aux Bœufs,
ils s’en allèrent partout
sur la terre, transporter
des Seigneurs, un Shah,
des Reines, un Empereur
et un Sultan
et quelques Marchands...
Resté seul au village
Martin, l’Âne,
continua de brouter l’herbe
des prés, attendant, éventuellement,
qu’on lui demandât
de transporter quelqu’un.
Il n’était pas difficile.
Peu lui importait le rang,
ou la richesse,
de la personne qu’on lui confierait,
car il n’était pas fier.
Non, pas fier du tout.
À peine achevait-il
sa remarque
qu’un homme s’approcha de lui
et l’interpella :
« Je cherche une bête
qui voudrait bien transporter
un Haut Personnage. »
Mais l’Âne lui répondit :
« Toutes les bêtes qui peuvent
transporter les Personnages Importants
sont déjà parties. »
« Et toi ? demanda l’homme. »
« Moi, je suis un Âne,
et les Ânes ne peuvent pas
transporter les Importantes Personnes.
Seulement les autres. »
« Je suis fier de mes oreilles
mais je sais bien qu’elles
sont ridicules à côté de celles de
l’Éléphant.
Je suis satisfait de mes yeux
mais ils ne peuvent
être comparés à ceux du Chameau.
C’est vrai,
je n’ai pas à être mécontent
de moi mais je n’ai rien,
non plus, pour être trop fier.
Je n’ai ni trompe, ni défenses,
ni bosses, ni cornes.
Ah ! si j’étais... »
L’homme éclata de rire
et lui dit :
« Ce Haut Personnage
que je souhaite que tu transportes
est aussi une toute Petite Personne
puisque c’est un enfant
qui n’est pas encore né.
C’est le Messie
et son nom est Jésus.
Sa mère doit parcourir
un long chemin sur le dos d’une bête
sans trop de fierté ni d’allure.
Et c’est pourquoi
je t’ai choisi.
Tu l’accompagneras à Bethléem
et son fils naîtra,
là-bas, parmi les humbles.
Âne, c’est toi que le Roi des Rois
a choisi pour porter Marie et son fils.
Et tu pourras en être fier.
À jamais. »

Christopher Gregorowski
Le choix du roi des rois
J.P. Delarge, 1977
(Adaptation
 

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