Dimanche matin.
Colin
ouvre l’œil et s’étire. Une curieuse lumière blanche filtre à travers
les fentes des persiennes. Dans la rue, les voitures font en passant un
drôle de bruit assourdi. Au contraire, on dirait que les voix résonnent
plus fort que d’habitude. On entend des bruits de pelle.
Colin se lève d’un bond. Il court à la fenêtre et pousse les persiennes avec fracas.
— Il neige ! Il neige ! Marion, lève-toi ! Nous irons tous au bois faire un bonhomme de neige, papa l’a promis !
Papa,
Colin et Marion ont fait un énorme tas de neige. Ils lui ont donné la
forme d’un bonhomme, et maintenant ils regardent leur travail, tout
contents. Ils ont bien chaud, ils ont les joues rouges. Le bonhomme est
superbe. Ils se mettent à tourner autour de lui en chantant. Chacun à
son tour invente une chanson.
Papa :
Bonhomme, mon bonhomme,
Remue ton corps de neige,
Donne-nous donc la main
Pour danser avec nous.
Marion :
Bonhomme, ami bonhomme,
Si tu savais marcher
Comme marchent les hommes,
On irait se prom’ner.
Colin :
Bonjour, monsieur Bonhomme,
Nous t’invitons, bonhomme,
Prends tes jambes à ton cou
Et viens vite avec nous.
—
Oh ! Ça rime tout cela, dit papa, j’ai des enfants poètes, bravo !
Allons, il est cinq heures, la nuit tombe, il faut rentrer.
— Quel dommage de laisser ici ce beau bonhomme, dit Colin.
— Je voudrais rester jusqu’à ce qu’il fonde, dit Marion.
— Nous reviendrons mercredi voir s’il est encore là, dit Colin.
§
Papa
et maman doivent aller chez des amis ce soir. Colin et Marion sont
très fiers car ils vont dîner et passer la soirée tout seuls.
— Surtout, dit maman en les embrassant, n’ouvrez la porte à personne et ne vous couchez pas plus tard que neuf heures et demie.
— C’est promis, disent Colin et Marion.
Colin réchauffe le potage. Mmm… la bonne soupe ! Et Bisule, le chat, apprécie sa pâtée.
Comme
ils faisaient la vaisselle, Colin et Marion ont entendu sonner à la
porte. Ils se sont regardés inquiets, et, grimpé sur un tabouret, Colin a
collé son œil au petit trou magique qui permet de voir les visiteurs.
Aussitôt, il a poussé un cri de joie. Vite, il est descendu de son perchoir, il a ouvert la porte… au bonhomme de neige !
— Bonsoir, dit le bonhomme.
Colin et Marion, fous de joie, sautaient autour du bonhomme de neige.
Mais
Bidule ne lui a pas fait très bon accueil. Il s’est dressé sur ses
quatre pattes, le dos arqué, son poil s’est hérissé, il a lancé un
“miaou” agressif, puis il est allé se réfugier sur le haut d’une
armoire.
Le
bonhomme de neige a joué avec Colin et Marion aux petits chevaux, aux
dominos, au train électrique. Marion lui a présenté ses poupées. Mais le
jeu le plus formidable a été celui des cosmonautes. Colin, Marion, et
le bonhomme se sont installés dans un grand carton, la fusée.
Colin tenait un volant imaginaire. Et c’est Marion qui a donné le signal du départ :
— 6, 5… attachez vos ceintures… 4, 3… attention, préparez-vous… 2, 1, 0… partez !
La fusée est partie dans un bruit terrible de brroum, rrrang, tch, you-ou… Tout les trois criaient :
—
Je vois les étoiles qui s’approchent !... Je vois les cratères de la
lune !... Je vois le drapeau américain !... Je vois le drapeau chinois !
— Hé ! Les Chinois ne sont pas allés sur la lune !
Bidule
le chat s’est réveillé et est descendu de son armoire pour voir ce qui
se passait. La fusée a ralenti pour le prendre au passage et il a
consenti à y monter.
À
neuf heures et demie, on a entendu une clé dans la serrure… C’était la
voisine qui venait voir si les enfants étaient sages et leur dire de se
coucher.
Marion pouffait de rire : la tête que ferait la dame si elle découvrait le bonhomme de neige dans la fusée !
— Bonsoir, madame Fontaine, ont-ils dit. Nous allons nous coucher. Nous ne ferons plus de bruit.
Et la voisine ne se douta de rien.
Après le départ de madame Fontaine, Colin et Marion se sont préparés à se coucher.
— Je vais te faire un lit par terre, bonhomme, avez des coussins et des couvertures.
—
Oh non, dit le bonhomme de neige, je trouve qu’il fait trop chaud ici.
Il me semble que je fonds déjà un peu. Je ne voudrais pas mouiller le
tapis ou le plancher. Je préfère coucher à la cuisine, directement sur
le carrelage, je serai plus à l’aise.
— Moi, je trouve que tu es froid, dit Marion en l’embrassant. Bonsoir ! Dors bien !
§
Sept heures et demie.
Maman appelle Colin et Marion.
— C’est l’heure ! Levez-vous, mes enfants !
Colin soupire, se retourne.
La pensée du bonhomme de neige lui revient brusquement.
— Oh, maman ! Nous avons passé une si bonne soirée avec le bonhomme de neige !
Maman rit.
— Tu rêves encore, je crois.
— Oh non ! dit Colin.
Il se précipite à la cuisine.
Marion, qui s’est réveillée aussi, le suit.
Il n’y a pas de bonhomme de neige. Seulement une petite flaque d’eau.
Colin et Marion sont sûrs qu’ils n’ont pas rêvé. Le bonhomme de neige a dû repartir passer la journée au bois.
Que voulez-vous qu’un bonhomme de neige fasse toute une journée dans un appartement ?…
Maïlé ; Philippe Salembeci
Le bonhomme de neige
Paris, Casterman Jeunesse, 2006
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