sexta-feira, 18 de janeiro de 2013

L’ÉTOILE D’ERIKA


Note de l’auteur
En 1995, cinquante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, j’ai rencontré la femme dont il est question dans cette histoire. Mon mari et moi, assis sur le bord d’un trottoir de Rothenburg, en Allemagne, regardions une équipe de nettoyeurs ramasser les débris du toit de l’hôtel de ville. La nuit précédente, une tornade s’était abattue sur ce joli village médiéval ; il y avait des gravats un peu partout. Un vieux commerçant qui se trouvait là nous a dit que les ravages causés par cette tempête étaient comparables à ceux de la dernière offensive des Alliés pendant la guerre. Le commerçant est retourné dans sa boutique et une dame, assisse près de nous, s’est présentée sous le nom d’Erika.
Preto de ouros (cartas)Preto de ouros (cartas)Preto de ouros (cartas)Preto de ouros (cartas)
Elle nous a demandé si nous étions venus faire du tourisme dans la région. Quand je lui ai répondu que nous venions de passer deux semaines à Jérusalem pour y mener des recherches, elle a avoué, avec un soupir, qu’elle avait toujours voulu y aller mais n’avait pas les moyens de s’offrir le voyage. Voyant qu’elle portait à son cou une chaîne en or ornée d’une étoile de David, je lui ai dit que, après notre passage en Israël, nous avions traversé l’Autriche en voiture et visité le camp de concentration de Mauthausen. Erika m’a confié qu’un jour elle était allée en visite à Dachau, mais n’avait pu se résoudre à franchir la porte.
Et puis elle m’a raconté son histoire…
Preto de ouros (cartas)Preto de ouros (cartas)Preto de ouros (cartas)Preto de ouros (cartas)
Entre 1933 et 1945, six millions d’hommes et de femmes de mon peuple furent tués. Beaucoup furent fusillés. Beaucoup moururent de faim. Beaucoup finirent incinérés dans des fours ou asphyxiés dans des chambres à gaz. Pas moi.
Je suis née en 1944. Je ne sais pas quel jour. Je ne sais pas comment je m’appelais à ma naissance. Je ne sais pas dans quelle ville ni dans quel pays je suis née. Je ne sais pas si j’ai eu des frères ou des sœurs. Ce que je sais, c’est que, âgée de quelques mois à peine, j’ai échappé à l’Holocauste. Souvent, j’imagine ce qu’était la vie des membres de ma famille lors des dernières semaines que nous avons passées ensemble. J’imagine mon père et ma mère, dépouillés de tous leurs biens, forcés à quitter leur maison, envoyés au ghetto. Peut-être avons-nous ensuite été expulsés du ghetto. Mes parents avaient sûrement hâte de quitter le quartier clos de fil de fer barbelé où ils avaient été relégués, d’échapper au typhus, au surpeuplement, à la crasse et à la faim.
Mais avaient-ils la moindre idée de leur destination ? Leur a-t-on dit qu’ils allaient être emmenés vers un lieu plus accueillant, où ils trouveraient de quoi manger, où ils auraient du travail ? La rumeur qui évoquait à mots couverts les camps de la mort était-elle arrivée jusqu’à eux ? Je me demande ce qu’ils ont éprouvé quand on les a conduits à la gare avec des centaines d’autres Juifs. Entassés dans un fourgon à bestiaux. Debout les uns contre les autres. Ont-ils été pris de panique lorsqu’ils ont entendu que l’on barricadait les portes ?
De village en village, le train a dû traverser des paysages champêtres étrangement épargnés par la terreur. Combien de jours sommes-nous restés dans ce train ? Combien d’heures mes parents ont-ils passées serrés l’un contre l’autre ? J’imagine que ma mère me tenait tout contre elle pour me protéger de la puanteur, des cris, de la peur qui régnaient dans ce wagon bondé. Elle avait certainement compris qu’on ne l’emmenait pas en lieu sûr.
 
Je me demande où elle se trouvait précisément. Était-elle au milieu du wagon ? Mon père était-il à côté d’elle ? Lui a-t-il dit d’être courageuse ? Ont-ils parlé de ce qu’ils allaient faire ? Quand ont-ils pris leur décision ? Ma mère a-t-elle dit : « Pardon. Pardon. Pardon » ? S’est-elle frayé un chemin parmi cette masse humaine jusqu’à la paroi en bois du fourgon ? Tout en m’enveloppant bien serrée dans une couverture chaude, a-t-elle murmuré mon nom ? A-t-elle couvert mon visage de baisers, m’a-t-elle dit qu’elle m’aimait ? A-t-elle pleuré ? A-t-elle prié ?
Lorsque le train a ralenti, le temps de traverser un village, ma mère a dû regarder par la lucarne du fourgon à bestiaux. Aidée par mon père, elle a dû écarter à grand-peine le treillis de barbelé qui condamnait l’ouverture. Elle a dû me soulever à bout de bras vers la faible lueur du jour. La seule chose que je sache avec certitude, c’est ce qui est arrivé ensuite. Ma mère m’a jetée par la fenêtre du train.
Elle m’a jetée hors du train sur un petit carré d’herbe, au ras d’un passage à niveau. Des gens attendaient que le train passe ; ils m’ont vue tomber du fourgon à bestiaux. Sur le chemin qui la menait à la mort, ma mère m’a jetée à la vie. Quelqu’un m’a ramassée et conduite chez une femme qui s’est occupée de moi. Elle a risqué sa vie pour moi. Elle a évalué mon âge et m’a attribué une date de naissance. Elle a décidé que je m’appellerais Erika. Elle m’a donné un foyer. Elle m’a nourrie, vêtue, envoyée à l’école. Elle a tout fait pour moi.
À vingt et un ans, j’ai épousé un homme merveilleux. Il m’a soulagée de la tristesse qui me saisissait souvent, il a perçu mon désir d’appartenir à une famille. Ensemble, nous avons eu trois enfants, qui ont aujourd’hui leurs propres enfants. Dans leur visage, je reconnais le mien. On disait jadis que mon peuple serait un jour aussi nombreux que les étoiles au firmament. Six millions d’étoiles sont tombées entre 1933 et 1945. Chacune correspond à un membre de mon peuple dont la vie a été déchirée, l’arbre généalogique déraciné.
Aujourd’hui, mon arbre a repris racine. Mon étoile brille encore.
Ruth Vander Zee
L’étoile d’Erika
Toulouse, Milan Jeunesse, 2003

A broa quente de 6ª feira


Todas as sextas-feiras, telefona e pergunta: estás em casa? Chega pouco depois, com broa quente que ele próprio retira de um forno onde há muitas outras para outros tantos clientes.
Faça sol ou faça chuva, o hábito é sempre cumprido: trazer broa quente à 6ª feira.
Que bom, estou a cozer bacalhau com batatas... Vê como está quentinha. E aproxima da mão que recebe.
E fica contente com o ritual. Sexta-feira em que não haja broa, por qualquer razão, quase pede desculpa. Desculpa, hoje não há broa. Que desconsolo. Se calhar estavas a contar. Outras vezes, traz a mais. Assim, podes dar à tua amiga que mora perto de ti. Hoje, já provei a broa, está mesmo boa. É que nunca fica igual. Amanhã, vou levar para uns amigos que param no mesmo café. Não há melhor. Mesmo já com alguns dias, continua a ser boa. Experimenta pôr no grelhador e um pouco de manteiga nas fatias quentinhas. É de comer e chorar por mais.
Diz com um sorriso e levantando os óculos com os movimentos do próprio nariz: gosto mesmo da 6ª f por causa deste manjar. Ai que maravilha.
E sai dizendo ainda: come enquanto está quente. Come um bocadinho enquanto está quente. Sabe mesmo bem.

Quem disse que ter hábitos programados leva à monotonia? Experimente-se a broa quente de 6ª feira e o que é monotonia passa a ser sabor e desejo.