sexta-feira, 8 de março de 2013

LA DAME DES LIVRES







Un hommage aux femmes bibliothécaires itinérantes…


Moi et les miens, on vit perchés tout en haut.
Plus haut, y a pas.
À c’te hauteur, on trouve plus âme qui vive, excepté les faucons qui tournoient dans le ciel et les bestioles cachées dans les arbres.
Moi, c’est Cal.
Je suis pas le premier et pas le dernier, mais je suis l’aîné des garçons.
Je peux aider P’pa aux labours et ramener les moutons partis se promener.
Je peux aussi rentrer la vache le soir venu, ce qu’est pas mal utile, vu que ma soeur Lark, elle aurait le nez fourré entre les pages d’un livre de l’aube à la nuit si M’man le permettait.
« Lark, la plus liseuse des enfants que vous avez jamais vue », dit P’pa.
Moi, non.
Je suis pas venu au monde pour rester assis figé comme une pierre devant du griffouillis de poules. Et ça me plaît pas du tout quand Lark joue à la maîtresse.
La seule école est à des milliards de miles en aval du ruisseau. Et même ma petite soeur peut pas faire l’oiseau et voler jusque-là. Alors elle s’est mise en tête de nous faire la classe.
Seulement moi, je suis pas porté sur les études. Du moins, pas avant que la dame des livres fasse son apparition.
Je suis le premier à entendre le clip clop des sabots de la jument alezane, rouge comme une brique. Le premier à savoir que son cavalier, c’est pas un homme, mais une dame qui porte un pantalon, et devant tout le monde !
Sûr qu’on l’accueille aimablement, l’étrangère. Et puis, elle a l’air gentille comme tout. Après trois gorgées de tisane de laurier, elle pose sa sacoche sur la table et ce qui en sort pourrait être de l’or, à voir les yeux de Lark briller comme des étoiles et ses mains qui restent pas en place, attirées par le trésor.
Bon, ce qu’elle apporte, c’est loin d’être ça.
Rien que des livres !
Vous imaginez ? Toute une cargaison de livres qu’elle a transportée à flanc de montagne ! Une dure journée de grimpette et tout ça pour des nèfles, si vous voulez mon avis. Parce que si elle vient vendre sa marchandise comme le camelot qui voyage par monts et par vaux avec ses poêles et ses casseroles, le fait est qu’on n’a pas un sou chez nous, pas de belles pièces à débourser. Du moins, pas pour de vieux livres à la noix.
Alors P’pa, il jette un coup d’oeil à Lark et s’éclaircit la voix :
— Troquons. Un sac de baies pour un livre.
Je serre mes deux poings derrière mon dos. Je voudrais parler, mais j’ose pas.
C’est moi qu’ai cueilli toutes ces baies. Pour une tarte, pas pour des livres !
Mais là, j’en crois pas mes yeux, la dame secoue la tête fermement.
Elle n’accepte ni baies, ni légumes verts, ni rien de tout ce que P’pa lui offre en échange.
Ces livres sont gratuits.
Gratuits comme le vent !
Et dans deux semaines, jour pour jour, elle viendra nous en prêter d’autres à la place !
Eh ben moi, je me fiche pas mal de ce qu’elle nous a apporté, et ça me ferait rien du tout si elle oubliait le chemin de la maison.
Mais elle reviendra jusqu’ici.
Malgré la pluie, le brouillard et le froid. Son cheval doit être bien courageux, si vous voulez mon avis.
Un matin, le monde devient aussi blanc que la barbe de Grand-P’pa. Le vent, il pousse des hurlements de lynx tout au fond de la nuit. On se blottit, sans broncher, autour du feu.
Pas un qui dit :
— Comment qu’ça va aujourd’hui ?
Même les bêtes sauvages restent au fond de leur trou avec une neige comme celle-ci.
Par tous les saints ! On entend toc toc toc au carreau. Elle est là, dehors, emmitouflée jusqu’en haut ! Elle fait l’échange par la porte entrebâillée pour qu’on prenne pas froid.
Et quand P’pa la prie de rester pour la nuit, elle fait non de la tête.
— Mon cheval me ramènera chez moi, qu’elle dit.
Je reste un bon bout de temps à regarder disparaître la dame des livres.
Et mes pensées, elles tournent à l’intérieur de mon crâne comme le tourbillon de flocons devant la porte.
Y a pas que le cheval qui soit courageux, mais sa cavalière aussi, si vous voulez mon avis.
Tout à coup, y m’faut savoir ce qui pousse la dame à risquer d’attraper froid ou pire. Je choisis un livre avec des mots et des images aussi, et je l’apporte à ma soeur.
— Apprends-moi ce qu’il dit !
Lark, elle rit pas, elle se moque pas.
Elle se pousse un peu. Et, tout doucement, on commence à lire.
P’pa dit que c’est écrit dans la nature si l’hiver sera court ou long.
Cette année, les signes ont tous prédit une saison de neige profonde et de froid éternel. Et même si on reste presque tous sans bouger, aussi serrés que des doigts de pieds dans des souliers achetés à la ville, ça m’est égal.
À n’y rien comprendre, je sais, mais vrai de vrai.
Le printemps est plus très loin le jour où la dame des livres revient par chez nous.
M’man lui fait cadeau de son seul bien précieux : la recette de sa tarte aux baies, qu’est la meilleure chose que vous avez jamais mangée sur cette terre.
— C’est bien peu, je sais, pour la peine que vous vous êtes donnée... murmure M’man avant d’ajouter avec fierté : …et pour avoir transformé une lectrice en deux lecteurs.
La tête baissée, j’attends le dernier moment pour dire ce que j’ai sur le coeur :
— J’voudrais vous offrir kékchose, mais j’sais pas quoi.
La dame des livres se tourne et me regarde de ses grands yeux sombres.
— Cal, viens ici, qu’elle dit avec douceur. Lis-moi donc quelques lignes.
J’ouvre le livre que je tiens, un de ceux qu’elle vient à peine d’apporter.
Du griffouillis de poules, voilà ce que je pensais.
Maintenant je sais ce qui s’y cache, alors je lis à haute voix.
— C’est le plus beau des cadeaux ! qu’elle dit, avec un sourire si grand que je lui souris en retour.
vvvv
Note de l’auteur
Cette histoire fut inspirée par le travail courageux des Pack Horse Librarians, ces bibliothécaires itinérantes qui parcouraient à cheval les Monts Appalaches du Kentucky, aux États-Unis, que l’on appelait « les dames des livres ».
Créé en 1935 dans le cadre du New Deal mis en place par le président Franklin Delano Roosevelt pour lutter contre les effets de la Grande Dépression et soutenir les populations pauvres, le programme avait pour but de faire venir des livres dans les régions les plus reculées du pays, où les écoles étaient rares et les bibliothèques, inexistantes. Tous les quinze jours, qu’il pleuve ou qu’il vente, les Pack Horse Librarians empruntaient les mêmes sentiers escarpés, sur les hauteurs des Appalaches, munies d’un chargement de livres. En remerciement, les familles offraient aux bibliothécaires quelques légumes de leur potager, un bouquet de fleurs des champs, des baies ou une recette de cuisine transmise avec amour de génération en génération.
Certains des Pack Horse Librarians étaient des hommes, mais ces missions étaient le plus souvent remplies par des femmes, à une époque où nombreux étaient ceux qui pensaient que la place d’une femme était à la maison. Les « dames des livres » faisaient preuve d’un dévouement et d’une résistance extraordinaires. Elles étaient très peu payées mais fières d’apporter le monde extérieur à ces familles rurales des Appalaches et, parfois, de transformer en lecteurs ceux qui n’avaient eu que faire du « griffouillis de poules ».


Heather Henson ; David Small
La Dame des livres

Paris, Syros, 2009



                     
                                                         

Para o A.C. que me disse: professora, este é o meu poema preferido!

 
Imagem retirada da net


      O CORVO
      (de Edgar Allan Poe)
       
    Numa meia-noite agreste, quando eu lia, lento e triste,
    Vagos, curiosos tomos de ciências ancestrais,
    E já quase adormecia, ouvi o que parecia
    O som de alguém que batia levemente a meus umbrais.
    "Uma visita", eu me disse, "está batendo a meus umbrais.


    É só isto, e nada mais." 
    Ah, que bem disso me lembro! Era no frio dezembro,
    E o fogo, morrendo negro, urdia sombras desiguais.
    Como eu qu'ria a madrugada, toda a noite aos livros dada
    P'ra esquecer (em vão!) a amada, hoje entre hostes celestiais -
    Essa cujo nome sabem as hostes celestiais,

    Mas sem nome aqui jamais! 
    Como, a tremer frio e frouxo, cada reposteiro roxo
    Me incutia, urdia estranhos terrores nunca antes tais!
    Mas, a mim mesmo infundido força, eu ia repetindo,
    "É uma visita pedindo entrada aqui em meus umbrais;
    Uma visita tardia pede entrada em meus umbrais.

    É só isto, e nada mais". 
    E, mais forte num instante, já nem tardo ou hesitante,
    "Senhor", eu disse, "ou senhora, decerto me desculpais;
    Mas eu ia adormecendo, quando viestes batendo,
    Tão levemente batendo, batendo por meus umbrais,
    Que mal ouvi..." E abri largos, franqueando-os, meus umbrais.

    Noite, noite e nada mais. 
    A treva enorme fitando, fiquei perdido receando,
    Dúbio e tais sonhos sonhando que os ninguém sonhou iguais.
    Mas a noite era infinita, a paz profunda e maldita,
    E a única palavra dita foi um nome cheio de ais -
    Eu o disse, o nome dela, e o eco disse aos meus ais.
    Isso só e nada mais. 
    Para dentro então volvendo, toda a alma em mim ardendo,
    Não tardou que ouvisse novo som batendo mais e mais.
    "Por certo", disse eu, "aquela bulha é na minha janela.
    Vamos ver o que está nela, e o que são estes sinais."
    Meu coração se distraía pesquisando estes sinais.

    "É o vento, e nada mais." 
    Abri então a vidraça, e eis que, com muita negaça,
    Entrou grave e nobre um corvo dos bons tempos ancestrais.
    Não fez nenhum cumprimento, não parou nem um momento,
    Mas com ar solene e lento pousou sobre os meus umbrais,
    Num alvo busto de Atena que há por sobre meus umbrais,

    Foi, pousou, e nada mais. 
    E esta ave estranha e escura fez sorrir minha amargura
    Com o solene decoro de seus ares rituais.
    "Tens o aspecto tosquiado", disse eu, "mas de nobre e ousado,
    Ó velho corvo emigrado lá das trevas infernais!
    Dize-me qual o teu nome lá nas trevas infernais."

    Disse o corvo, "Nunca mais". 
    Pasmei de ouvir este raro pássaro falar tão claro,
    Inda que pouco sentido tivessem palavras tais.
    Mas deve ser concedido que ninguém terá havido
    Que uma ave tenha tido pousada nos meus umbrais,
    Ave ou bicho sobre o busto que há por sobre seus umbrais,

    Com o nome "Nunca mais". 
    Mas o corvo, sobre o busto, nada mais dissera, augusto,
    Que essa frase, qual se nela a alma lhe ficasse em ais.
    Nem mais voz nem movimento fez, e eu, em meu pensamento
    Perdido, murmurei lento, "Amigo, sonhos - mortais
    Todos - todos já se foram. Amanhã também te vais".

    Disse o corvo, "Nunca mais". 
    A alma súbito movida por frase tão bem cabida,
    "Por certo", disse eu, "são estas vozes usuais,
    Aprendeu-as de algum dono, que a desgraça e o abandono
    Seguiram até que o entono da alma se quebrou em ais,
    E o bordão de desesp'rança de seu canto cheio de ais

    Era este "Nunca mais". 
    Mas, fazendo inda a ave escura sorrir a minha amargura,
    Sentei-me defronte dela, do alvo busto e meus umbrais;
    E, enterrado na cadeira, pensei de muita maneira
    Que qu'ria esta ave agoureia dos maus tempos ancestrais,
    Esta ave negra e agoureira dos maus tempos ancestrais,

    Com aquele "Nunca mais". 
    Comigo isto discorrendo, mas nem sílaba dizendo
    À ave que na minha alma cravava os olhos fatais,
    Isto e mais ia cismando, a cabeça reclinando
    No veludo onde a luz punha vagas sobras desiguais,
    Naquele veludo onde ela, entre as sobras desiguais,

    Reclinar-se-á nunca mais! 
    Fez-se então o ar mais denso, como cheio dum incenso
    Que anjos dessem, cujos leves passos soam musicais.
    "Maldito!", a mim disse, "deu-te Deus, por anjos concedeu-te
    O esquecimento; valeu-te. Toma-o, esquece, com teus ais,
    O nome da que não esqueces, e que faz esses teus ais!"

    Disse o corvo, "Nunca mais". 
    "Profeta", disse eu, "profeta - ou demônio ou ave preta!
    Fosse diabo ou tempestade quem te trouxe a meus umbrais,
    A este luto e este degredo, a esta noite e este segredo,
    A esta casa de ância e medo, dize a esta alma a quem atrais
    Se há um bálsamo longínquo para esta alma a quem atrais!

    Disse o corvo, "Nunca mais".
    "Profeta", disse eu, "profeta - ou demônio ou ave preta!
    Pelo Deus ante quem ambos somos fracos e mortais.
    Dize a esta alma entristecida se no Éden de outra vida
    Verá essa hoje perdida entre hostes celestiais,
    Essa cujo nome sabem as hostes celestiais!"

    Disse o corvo, "Nunca mais". 
    "Que esse grito nos aparte, ave ou diabo!", eu disse. "Parte!
    Torna á noite e à tempestade! Torna às trevas infernais!
    Não deixes pena que ateste a mentira que disseste!
    Minha solidão me reste! Tira-te de meus umbrais!
    Tira o vulto de meu peito e a sombra de meus umbrais!"

    Disse o corvo, "Nunca mais". 
    E o corvo, na noite infinda, está ainda, está ainda
    No alvo busto de Atena que há por sobre os meus umbrais.
    Seu olhar tem a medonha cor de um demônio que sonha,
    E a luz lança-lhe a tristonha sombra no chão há mais e mais,
    Libertar-se-á... nunca mais!
    Tradução de Fernando Pessoa