quarta-feira, 1 de janeiro de 2014

Plumes de neige



 


 Sur le livre de géographie d’Amédée, il y a une image qui l’étonne beaucoup. On y voit une rue de Paris recouverte d’une drôle de jolie mousse blanche. Des enfants en font des boules qu’ils se lancent en riant. D’autres s’amusent à glisser dessus dans une caisse de bois. Et dans un coin, trois petites filles fabriquent avec la mousse une grande statue toute blanche.
— Cela s’appelle de la neige ! explique le maître en écrivant le mot au tableau.
Amédée, qui habite en Afrique, n’a jamais vu de neige.
Il pose plein de questions qui font sourire le maître :
— Est-ce vrai que la neige tombe du ciel ? Pourquoi n’y en a-t-il pas chez nous ? Est-ce que c’est doux ? Est-ce que c’est chaud ? Est-ce que c’est lourd ? ...
Le maître dit que la neige est faite d’eau. Amédée a du mal à comprendre : comment l’eau peut-elle se mettre en boule ? Tout cela reste pour lui un grand mystère !
« Quand je serai grand,se dit-il en refermant son livre, j’irai en France pour la voir, cette neige. »
Arrivé chez lui, Amédée aide sa mère à décorer le palmier, devant leur porte. On approche de Noël. Il est temps de lui donner un air de fête.
Avec de la ficelle, il suspend des noix de coco qu’il a peintes de toutes les couleurs.
Puis il grimpe au sommet de l’arbre pour fixer une immense étoile découpée dans un morceau de bois.
Tout le long du repas, il n’arrête pas de parler de ce qu’il a vu sur l’image.
Son grand-père est comme lui. Il ne veut pas croire que l’eau puisse se mettre en boule :
— Ton maître a dû se moquer de toi !
Quant à sa mère, elle le gronde gentiment :
— Regardez-moi ces deux ignorants qui ne veulent rien croire et tout expliquer. Allez, allez ! mangez donc au lieu de parler… Et toi, Amédée, n’oublie pas que c’est bientôt Noël. Pense plutôt à tout le bien que tu peux faire autour de toi.
Eh oui ! c’est demain le 24 décembre, la veille du grand jour ! Amédée promet de faire de son mieux.
Le matin, il commence par se lever de bonne heure. Il va au puits remplir les seaux de toutes les vieilles personnes du village.
Puis il garde les deux jumeaux de Mama Sali pendant qu’elle fait sa cuisine. Mama Sali a beaucoup d’enfants et elle est toujours débordée.
En remerciement, elle lui donne une des grandes galettes qu’elle vient de cuire.
Bien qu’il ait très faim, Amédée ne la mange pas. Il décide d’aller la porter à Doumba Diof, le vieil aveugle qui vit seul dans la forêt. C’est un sage très respecté, mais beaucoup le craignent… Il a, dit-on, de grands pouvoirs !
En prenant le chemin de la forêt, Amédée a un peu peur. Les yeux vides et blancs du vieillard sont si étranges ! Mais il se dit qu’on ne doit avoir peur de rien la veille de Noël.
Doumba Diof le fait asseoir sur une natte et partage la galette en deux parts. Comme on raconte qu’il est aussi très savant, une question brûle la langue d’Amédée :
— Doumba Diof, toi qui sais beaucoup de choses, parle-moi de la neige !
— On ne peut parler de la neige, mon fils. Il faut la voir et la toucher.
Amédée est un peu déçu par cette réponse, mais il ne le montre pas. Avant de partir, il nettoie et range la case car le vieil aveugle a bien du mal à le faire tout seul.
Pour le remercier, Doumba Diof lui offre un petit oiseau blanc dans une cage de bambou.
Amédée le ramène au village et le montre fièrement à tous ses camarades :
— C’est Doumba Diof qui me l’a donné !
Ses copains le regardent avec envie.
— Il te portera bonheur, lui dit son grand-père, car Doumba Diof est un grand sorcier.
Amédée est fier de son oiseau. Il ne se lasse pas de l’admirer. Mais le soir de Noël, il a un peu honte de garder prisonnier dans une cage ce qui est né pour voler librement.
Les paroles de sa mère lui reviennent en mémoire : « Pense à tout le bien que tu peux faire autour de toi. »
Alors, il va sur la grand-place du village, sort l’oiseau de sa prison et le lance dans les airs.
Aussitôt, comme par enchantement, une fine mousse blanche tombe du ciel.
Amédée tend les mains et sent pour la première fois la caresse magique de légers flocons de neige. 
Michel Piquemal ; Boiry
Plumes de neige
Paris, Casterman, 1994